Voir, observer, regarder, admirer… peindre.
On parle souvent en peinture de cadrage, de sujet, propos qui répondent à la question : « qu’est ce que je regarde? » mais qu’en est il de : « comment je regarde? »
« Voir et voir sont deux choses différentes » Proverbe japonais.
Dans son livre : « Et la lumière fût » J. Lusseyran parle de la passivité de la vue et du voir : « nos yeux courent à la surface des choses (..) ils se contentent des apparences et avec eux le monde glisse et brille. »
A côté de ce simple déploiement du sens de la vision, J.C. Bailly (L’atelier infini, 3000 ans de peinture) trouve dans l’étymologie du mot regard une « volonté de voir » adoucie d’un sentiment enveloppant de protection et d’égard. Etymologiquement, regarder vient du francique wardôn – veiller, être sur ses gardes – qui a donné la dérivation germanique warten – attendre – et anglaise ward- protéger – enfin française : égard. Regarder, dit il, « c’est franchir un seuil dans le régime du voir et cela vient comme un allumage » .
Dans sa lettre à Cézanne, C. Juliet (Cézanne, un grand vivant) franchit un degré supplémentaire dans l’investissement du peintre face au visible : « il vous fallait traverser les apparences, vous immiscer dans les choses, vous fondre en elles » .
Entre ces jalons se décline une infinité de manières de poser son regard sur le monde, issues d’une infinité d’attitudes intérieures. Chaque attitude infléchit le pinceau du peintre de façon différente : c’est toute la richesse de la peinture. C’est aussi le choix et la liberté du peintre.
Regarder est un geste, une question sans réponse posée à ce qui se donne à notre vue.